Offensive contre la directive européenne sur le devoir de vigilance

Une coalition de multinationales menées par TotalEnergies et Siemens réclament l’abolition pure et simple de la législation censée contraindre les groupes à agir de façon écoresponsable, invoquant un risque pour la compétitivité européenne.

Dans une correspondance adressée au président français Emmanuel Macron et au chancelier allemand Friedrich Merz, 46 multinationales européennes demandent l’abandon de la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDDD).

Entrée en vigueur le 25 juillet 2024 après son adoption en mai de la même année, cette législation impose aux grandes entreprises européennes et étrangères opérant dans l’Union européenne (UE) d’identifier, prévenir, mettre fin et atténuer les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Cela suppose entre autres pour les entités concernées de cartographier leurs risques liés aux droits humains et à l’environnement, puis de mettre en place des mesures pour y remédier ou en réduire l’impact le cas échéant.

Autant de normes censées renforcer la transparence et l’éthique des grandes entreprises face aux enjeux actuels, mais qui ne recueillent manifestement pas l’assentiment des groupes ciblés.

Un véritable antagonisme

Dans la lettre signée par les PDG Patrick Pouyanné et Roland Busch et révélée le 9 octobre par Reuters, les signataires estiment qu’abolir la directive constituerait un « signal clair et symbolique » de la part de la Commission européenne en faveur de la restauration de la compétitivité en Europe.

À leurs yeux, ce cadre réglementaire entrave l’innovation et la croissance, en particulier face à des marchés perçus comme plus flexibles, tel que la Chine. Le document met en avant le risque qu’une réglementation jugée trop stricte freine les flux d’investissements internationaux et détourne les opportunités vers d’autres horizons, au détriment de l’emploi et du dynamisme industriel européen.

L’initiative de TotalEnergies et Siemens s’inscrit comme une nouvelle contestation adressée à l’exécutif européen. Alors que l’entrée en vigueur pratique des obligations du devoir de vigilance est prévue pour 2027, le texte fait d’ores et déjà l’objet d’expertises et de débats pour atténuer ses contraintes et répondre aux attentes divergentes.

Le symbole d’un débat explosif

Sous la pression accrue de la France, de l’Allemagne, mais aussi des États-Unis et du Qatar, la Commission européenne s’efforce de trouver un compromis. Pour l’heure, aucun accord unanime n’a été trouvé, et la directive demeure au centre d’une confrontation intense entre impératifs économiques et exigences de responsabilité sociétale.

Les défenseurs des droits humains et de l’environnement dénoncent toute remise en cause du texte, estimant qu’amputer ses avancées reviendrait à sacrifier la protection des plus fragiles au nom de la performance économique.

Enfin, la lettre des multinationales porte deux autres demandes clés : préserver les quotas gratuits d’émissions polluantes alloués aux industries au-delà de 2026, et aménager les règles de concurrence européennes pour autoriser davantage de fusions, en tenant compte du marché mondial plutôt que du seul espace européen.

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