Face à l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, une nouvelle frontière consiste à faire de l’océan un gigantesque aspirateur à carbone. Mais attention aux effets pervers !
Et si les océans devenaient des alliés dans le combat pour la préservation du climat ? L’hypothèse séduit de plus en plus face à la problématique des émissions croissantes de dioxyde de carbone (CO₂), qui menacent l’avenir de la planète.
Fort de sa grande capacité naturelle d’absorption – les mers stockent cinquante fois plus de carbone que l’atmosphère – le milieu marin offre une nouvelle piste contre la crise climatique.
D’où l’intérêt croissant ces dernières années, des chercheurs, entreprises et autres experts pour le « marine carbon dioxide removal » (mCDR), soit l’ensemble des techniques visant à retirer le dioxyde de carbone de l’atmosphère et à le stocker durablement en mer.
Ce procédé encore appelé géo-ingénierie a ainsi fait l’objet d’un nombre d’expériences quadruplé entre 2019-2023 par rapport à la période précédente, d’après un rapport de 2024, du Centre pour le droit international de l’environnement, cité par le journal Le Monde.
Une multitude de pistes et d’options
« Il y a quinze ans, on aurait pu se passer de ces technologies, mais, aujourd’hui, on en a malheureusement besoin du fait de notre faible action climatique« , reconnaît Jean-Pierre Gattuso, océanographe au CNRS, interrogé par le quotidien français, face à la multitude de techniques désormais explorées.
Certaines consistent à ajouter des nutriments – comme du fer – dans l’océan afin de doper les algues, réputés pour leur captage du CO₂ ; d’autres misent sur la géochimie, comme l’alcalinisation des eaux par l’ajout de minéraux terrestres destinés à capter le gaz carbonique en se dissolvant.
La protection des écosystèmes naturels à travers la sauvegarde des mangroves et herbiers marins qui stockent déjà du carbone, compte également parmi cet arsenal.
Autant d’approches marines qui présentent l’avantage de consommer « moins d’espace, d’eau ou d’énergie que les techniques terrestres », à en croire l’analyse de Laurent Bopp, directeur de recherche au Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS), auprès du Monde.
Encore peu de lisibilité sur les effets
L’enthousiasme initial se heurte pourtant à de sérieuses réserves scientifiques. D’où l’insistance de Jean-Pierre Gattuso sur le fait de n’en faire que des solutions de dernier recours. En cause, le manque actuel de lisibilité sur les effets réels de ces techniques.
En effet, nul ne saurait jurer de leur efficacité pour l’heure en raison de leur test à une échelle limitée. Quant aux conséquences sur la vie marine, elles sont réelles. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a ainsi documenté, d’après Le Monde, des troubles de développement chez les huîtres exposées à certains minéraux utilisés pour l’alcalinisation.
Malgré ces risques, les investissements dans la géo-ingénierie marine ne faiblissent pas. « Le danger, c’est que l’industrie se lance sans règles« , alerte Victor Brun de la Plateforme Océan & Climat, qui réclame un encadrement pour « éviter les déploiements précipités ».