Quand la chaleur fait perdre la tête

Au-delà des effets physiques, le réchauffement climatique entraîne des conséquences psychiques graves et insidieuses. La canicule qui frappe l’Europe cet été, notamment la France, en offre une illustration saisissante.

Alors que les thermomètres s’affolent et que les records de température tombent les uns après les autres, une réalité troublante émerge : la chaleur extrême ne se contente pas d’épuiser les corps, elle fragilise également les esprits.

Longtemps occultée, cette dimension psychologique du réchauffement climatique est de plus en plus documentée par la science. Une recherche de grande ampleur publiée en 2022 dans la prestigieuse revue JAMA Psychiatry révèle ainsi que lorsque les températures dépassent de 5% les normales saisonnières, les consultations psychiatriques d’urgence augmentent de 8%.

Cette corrélation, observée aussi bien dans les hôpitaux parisiens qu’américains, soulève des questions cruciales sur notre capacité d’adaptation à un monde qui se réchauffe inexorablement. Car la physiologie humaine n’est pas conçue pour supporter durablement des températures extrêmes.

Les chiffres français l’illustrent tragiquement : Santé publique France a recensé 480 décès supplémentaires (soit 5,5% de plus que la normale) entre le 19 juin et le 6 juillet, période correspondant à la première canicule de l’été.

Une épidémie silencieuse aux multiples visages

Dans ce contexte, les populations les plus vulnérables paient le prix fort. Les personnes âgées, dont les mécanismes de thermorégulation sont défaillants, voient leurs troubles cognitifs s’aggraver. Santé publique France dénombre ainsi 410 décès dans cette tranche d’âge de 75 ans et plus (soit une hausse de 6,7%), représentant la quasi-totalité des victimes recensées durant cette période.

Les individus souffrant de pathologies psychiatriques préexistantes connaissent des épisodes de décompensation plus fréquents. Quant aux enfants, particulièrement sensibles aux changements environnementaux, ils développent plus facilement des troubles du comportement.

Bien que la production de cortisol (hormone du stress) constitue un mécanisme de défense naturel de l’organisme, celui-ci montre ses limites face à la chaleur extrême. « Au-delà d’un certain niveau, les mécanismes d’adaptation sont dépassés.

C’est notamment le cas lors de très fortes chaleurs qui se prolongent plusieurs jours », explique Suzana Andrei, secrétaire générale de la Fédération française de psychiatrie, interrogée par RFI.

L’éco-anxiété se révèle être une vraie menace

Derrière les statistiques se cache une menace tout aussi préoccupante : l’éco-anxiété. Selon Manon Lenin, neuropsychologue à l’Institut Pasteur de Lille, ce terme désigne « une émotion que l’on ressent face au changement climatique ».

Cette angoisse se manifeste par des troubles concrets : perturbations du sommeil, pensées obsessionnelles tournant en boucle autour des changements climatiques, et un éventail d’émotions intenses allant de l’anxiété à la colère, en passant par une peur profonde.

Le sentiment d’impuissance face à l’ampleur des conséquences climatiques constitue l’un des aspects les plus marquants de ce phénomène. Un ressenti d’autant plus compréhensible que huit Français sur dix se disent aujourd’hui inquiets face au réchauffement climatique, à la déforestation et aux enjeux de santé environnementale.

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