Un tribunal allemand vient de statuer que les entreprises productrices d’électricité peuvent être tenues responsables des dommages climatiques qu’elles causent, où qu’ils se produisent dans le monde.
Alors que la transition écologique s’impose face à l’urgence climatique, l’Allemagne pourrait offrir un nouvel outil juridique contre les géants du pétrole comme TotalEnergies ou Exxon Mobil : la possibilité de les poursuivre en justice pour les dégâts climatiques qu’ils causent.
Le tribunal d’instance de Hamm a établi mercredi 28 mai un principe révolutionnaire : « s’il y a menace de préjudice, le responsable des émissions de CO2 pourrait être tenu de prendre des mesures pour les empêcher », peu importe où surviennent les dommages dans le monde.
Cela suppose concrètement qu’une entreprise polluante peut désormais être tenue responsable des conséquences climatiques de ses activités, même à des milliers de kilomètres de son siège. Ce principe, déjà esquissé en 2017 par la même juridiction, clôt une bataille judiciaire de près de dix ans.
Tout a commencé en 2015 lorsque Saúl Luciano Lliuya, agriculteur péruvien, a porté plainte contre le géant énergétique allemand RWE. Soutenu par l’ONG Germanwatch, il accusait l’entreprise d’être partiellement responsable des risques d’inondation menaçant sa maison, causés par la fonte glaciaire dans les Andes due aux émissions de CO2 du groupe.
Un précédent qui fait débat dans le monde juridique
Lliuya réclamait donc 17 000 euros au géant énergétique allemand, montant correspondant à 0,47% du coût total des travaux de protection de sa maison. Cette proportion reflète, selon lui, la part estimée de RWE dans les émissions mondiales de CO2.
« C’est la première fois qu’une institution européenne de haut niveau établit juridiquement que les grands émetteurs peuvent être tenus pour civilement responsables des conséquences concrètes de la crise climatique », s’est félicitée Germanwatch après la décision de mercredi.
Mais si l’ONG environnementale salue une avancée historique, RWE ne partage pas cet enthousiasme. Le tribunal a en effet rejeté la demande d’indemnisation de l’agriculteur, jugeant que le risque de destruction de sa demeure dans les 30 prochaines années était « nettement inférieur à 1% ».
L’émergence d’un nouveau paradigme de responsabilité
« La tentative de créer un précédent juridique pour rendre des entreprises responsables des effets du changement climatique dans le monde entier a échoué », se félicite RWE, qui dénonce une initiative « soutenue par des ONG allemandes ».
Pour la firme énergétique, « une telle responsabilité climatique aurait des conséquences incalculables pour l’industrie allemande ».
RWE peut d’autant plus savourer cette victoire que d’autres tribunaux allemands ont déjà rejeté des plaintes similaires contre Volkswagen, Mercedes-Benz ou BMW, estimant que seul le législateur – et non les juges – peut définir les obligations climatiques des entreprises.
Pourtant, Marc-Philippe Weller, professeur de droit à l’université de Heidelberg, nuance cette analyse dans le quotidien FAZ. Cette décision « pourrait créer un momentum argumentatif pour d’autres procédures en faveur de la responsabilité climatique », reconnaît-il.