Le transport aérien voit ses objectifs de décarbonation s’éloigner dangereusement. En cause, le désengagement allégué des acteurs périphériques du secteur.
À quand un secteur de l’aviation net en carbone ? La question s’impose alors que cet objectif fixé il y a quatre ans pour 2050 est plus que jamais incertain. C’est en tout cas le point de vue de l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA).
Son dirigeant Willie Walsh, décrit comme un franc-parleur, a en effet poussé un véritable coup de gueule dans une interview récemment accordée à Reuters. « Il serait insensé pour nous de croire que nous sommes sur la bonne voie », a déclaré l’ancien patron de British Airways, décrivant une crainte générale de ses pairs.
« Ce que je constate maintenant, c’est une inquiétude de plus en plus exprimée par les PDG des compagnies aériennes », a-t-il indiqué, ciblant le reste des acteurs de l’industrie accusés de ne pas y mettre du leur.
« Nous ne voyons pas les autres jouer leur rôle. En fait, ils sont en retard sur ce qu’ils devraient être et se dirigent dans la mauvaise direction. Ils sont tous engagés, tant que nous payons la facture. Et c’est tout simplement inacceptable », a poursuivi l’ancien pilote de formation dans des termes on ne peut plus durs.
Des responsabilités mal partagées ?
À l’origine de cette critique sévère de Walsh figure l’industrie pétrolière, qu’il n’hésite pas à désigner comme « la cause du problème« , pour n’avoir pas tenu, selon lui, ses propres promesses d’approvisionnement en carburants durables.
Censé réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) entre 80% et 90% sur l’ensemble de son cycle de vie, le carburant d’aviation durable, également connu sous le nom de SAF (Sustainable Aviation Fuel) en anglais, fait actuellement défaut par sa disponibilité en quantité suffisante.
La conséquence de sa production en masse encore très peu réaliste pour l’heure. Malgré ses avantages, ce carburant alternatif est en effet plus coûteux que celui issu des énergies fossiles, à l’instar du fameux kérosène très polluant.
Selon Reuters, la production actuelle de SAF ne couvre qu’à peine 1% des besoins en carburant du secteur.
Un consensus dangereusement menacé
« Ils doivent commencer à jouer leur rôle« , martèle-t-il, soulignant que les compagnies aériennes dépenseront 3,8 milliards de dollars supplémentaires en carburant cette année en raison des mandats gouvernementaux et des engagements plus larges en matière d’émissions de carbone.
Le directeur général de l’IATA pointe également du doigt les aéroports et l’échec de la réforme de l’espace aérien européen, un projet qui stagne depuis deux décennies. Dans ces conditions, la prochaine réunion annuelle de son institution, prévue en juin à New Delhi, pourrait être le théâtre d’une remise en question formelle de l’objectif 2050.
Même s’il affirme que ce n’est pas « l’intention » actuelle. Willie Walsh admet cependant qu’il ne serait « pas surpris » si des compagnies membres demandaient de réexaminer cet engagement, compte tenu des réalités du terrain.