Amnesty International dénonce, dans un nouveau rapport, une répression « systémique » des défenseurs de l’environnement dans un pays pourtant considéré comme le berceau des droits de l’homme.
C’est un tableau peu reluisant de l’état de la démocratie environnementale en France que dresse Amnesty International dans son rapport du jeudi 3 juillet. L’organisation de défense des droits humains relève dans ce pays un contexte défavorable au militantisme écologique.
« Tout un système existe pour empêcher leur action, les criminaliser et les réprimer« , déplore auprès du Monde Margot Jaymond, spécialiste de la justice climatique chez Amnesty International France, en référence aux activistes climatiques.
Parmi ces méthodes figurent les atteintes à la liberté d’expression, d’association, d’information ou encore de manifestation. Cette analyse prend une résonance particulière alors que le rapport paraît à la veille d’une nouvelle mobilisation (du 4 au 6 juillet) des opposants au projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, dénoncé pour son coût et ses impacts environnementaux.
Une « Turboteuf » interdite par la préfecture du Tarn en raison, entre autres, de la non-déclaration de la manifestation. Une interdiction contournée par quelque 800 manifestants sur les 2 000 attendus ce samedi 5 juillet, lesquels risquent jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.
« Le pire pays d’Europe »
Pour Amnesty International, cette disposition répressive illustre la contradiction de la loi française par rapport au droit international, qui protège le droit à la liberté de réunion pacifique, notamment à travers la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L’arsenal répressif révèle une créativité juridique troublante. Des infractions pénales créées initialement pour lutter contre le grand banditisme sont détournées pour poursuivre des activistes pacifiques, d’après l’ONG.
Le rapport recense des centaines de gardes à vue, 130 personnes poursuivies, 60 procès et 7 personnes placées en détention pour la seule opposition à l’autoroute A69, depuis février 2023.
De quoi faire de la France « le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux », selon Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement, cité dans le document.
Le combat essentiel des porte-voix du climat
« Obligées de consacrer du temps et des ressources financières à ces combats judiciaires, les associations voient leur pouvoir d’action affaibli« , souligne Margot Jaymond.
Face à ces constats alarmants, Amnesty International appelle les autorités françaises à reconnaître publiquement le travail légitime et essentiel de tous les défenseurs des droits humains, y compris ceux de l’environnement et à protéger les droits de toute personne à faire entendre sa voix et à mobiliser les autres en faveur de l’action pour le climat et l’environnement, y compris par la désobéissance civile.
L’organisation souligne que cette répression ne fait pas qu’étouffer la dissidence : elle compromet la capacité collective de la France à faire face à l’urgence climatique, au moment où cette action est plus que jamais nécessaire.